vendredi 28 août 2020

Je suis la Résidente !

 On est vendredi soir et je suis dans l'état qui m'est propre après des interventions auprès d'enfants : épuisée et heureuse, lessivée et joyeuse, laminée et enthousiaste. Je ne peux plus parler mais j'ai envie d'écrire comme jamais !

Une semaine entière à Pont-à Mousson, trois jours à Nancy, à triturer l'imaginaire, sortir les mots, débloquer les peurs, rassurer, rigoler.

C'est que l'enjeu est de taille, pas question que les enfants repartent avec des émotions en demi-teintes, pas question de voir du mou ou du flou sur leur visage. Je veux rien moins que les embarquer, les scotcher, les décoller (oui, je sais, c'est contradictoire de scotcher pour décoller, je sais) ! Je ne veux pas en laisser un seul sur le carreau, pas question.

Parce que là, je ne suis plus enseignante. Avec ma casquette de prof, j'accepte qu'ils n'aient pas trop envie, qu'ils fassent par habitude, qu'ils s'exécutent par mollesse. J'accepte aussi que la réussite ne soit pas éclatante, triomphante, que certains restent en retrait pour une raison ou une autre. Je me dis que ce n'est pas grave, que je les "choperai" une autre fois. Je les vois tout le temps, pendant les quatre ans du collège, je trouverai bien le moyen de leur faire aimer la lecture, de développer leur imaginaire, de les voir se créer leurs propres images, de leur apprendre à s'échapper de l'ennui ou du chagrin le temps d'un livre.




Mais là, c'est du one shot, faut y aller la Kiki ! Il faut mouiller la chemise, lire des textes avec la bonne émotion, raconter la création d'une histoire avec suffisamment de vivant, d'anecdotes et de rires.

Oui, faut y aller, mais faut aussi se mettre en retrait pour leur faire de la place, laisser du temps au silence pour que leurs mots s'installent. Il faut savoir être juste là, à sécuriser, à dire simplement "Mais quelle bonne idée !" ou "Ben si tu veux que ton étoile de mer ait des ailes, et bien ton étoile de mer a des ailes, tu es le chef de ton histoire !".






Je tiens à bien leur préciser, à chaque fois : rien n'est obligé, ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas écrire me dictent leurs phrases. On a le droit de se lever, d'arrêter pour aller jouer ou pour faire le tour des tables, ou pour ne rien faire du tout. On est là pour bien s'amuser.

Rien n'est obligé mais il y a des trucs pour ne pas rester sec devant sa feuille : choisir qui est son héros, quel est son problème, décider s'il va le résoudre et comment, préférer une fin heureuse ou triste... Beaucoup de responsabilités, tout de même, on ne fait pas crever un pingouin dans le désert comme ça ! On y réfléchit à deux fois avant de le couiquer !


Vous savez quoi ? C'était super parce que pas un seul, pas UN SEUL ne s'est bloqué, n'a soupiré, en une semaine et de nombreux groupes. Je n'ai pas vu la souffrance que je constate régulièrement avec des classes.  A quoi est-ce dû ? Au contexte ? A la bienveillance des animateurs et d'Aline ou Catherine, les médiathécaires ? A la dynamique du groupe ? Au lieu ? Au fait qu'on ait respecté notre parole et qu'aucun enfant n'a été "poussé" ?

Bon ok, beaucoup étaient volontaires, je prêchais un peu des convertis sans doute, ok, ok, on ne s'emballe pas ! 

Mais tout de même, il en était qui n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils venaient faire, il y avait des dyslexiques, des petiots avec des retards de langage, un qui m'a semblé être autiste...

Tous sont repartis avec leur livre, fini ou pas, illustré ou pas. Tous l'ont signé avec plaisir, ce que je n'obtiens pas toujours en cours : parfois, les enfants sont si peu fiers d'eux qu'ils refusent de revendiquer leur travail. 






Tous ont dit qu'ils reviendraient ou qu'ils referaient d'autres histoires, ou qu'ils avaient envie de montrer leur oeuvre, enfin, quelque chose de positif.

Je suis contente. Vraiment.


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