Un stère de livres ouverts, dédicacés et refermés.
Quatre cartouches d'encre violette Waterman.
Un feutre fluo rose, un feutre fluo bleu, un feutre doré, un feutre argenté.
Un début de tendinite au poignet.
Deux terrasses au soleil.
Des dizaines de bisous dont certains avec sucette collante.
Des rides d'expression supplémentaires.
Deux verres de vin.
Des confidences en vitesse.
Des retrouvailles d'amie d'internat (avec larmes versées).
6 libraires débordées et néanmoins adorables (merci, les filles !)
25 conversations passionnantes commencées et interrompues pour cause de principe de réalité.
Des découvertes de nouveaux bébés.
Une traversée bras-dessus bras-dessous avec un vieux pote.
Une échappée sous prétexte fallacieux avec étendage sur banc ensoleillé.
Une réflexion désagréable ( "Ah non, tu ne vas pas prendre ce livre, c'est pour les FILLES !")
Une faute d'orthographe rattrapée avec un pâté.
Des centaines de coeurs dessinés.
Un compliment pour Erik Lhomme, parce que c'était vrai, et pour voir ses yeux bleus s'éclairer.
Un petit garçon appelé "Ma belle".
Quelques absences, camouflées sous des automatismes.
Des macarons, des cafés, de l'eau,
Douze SMS laconiques ('t'es où ? " Viens", "ramène du pain").
127 anecdotes écoutées.
123 anecdotes racontées.
Un restau en cachette avec mon monsieur pendant que les enfants mangent des coquillettes-jambon à la maison..
Des livres achetés pour mes enfants (sans même une petite réduction !!!)
Des amis venus en amis.
Des pieds gelés.
Une envie de pipi contenue.
Quelques-uns de mes élèves égarés, avec parents et petits frères et ayant du mal à resituer leur prof hors contexte.
Deux jours de vie à côté, de vie en plein dedans.
Une gueule de crevée sur les coups de 18 h.
Une impression d'être vraiment gâtée...
dimanche 19 septembre 2010
jeudi 16 septembre 2010
lundi 6 septembre 2010
Questions/réponses
Il y a des questions qu’on me pose fréquemment. En voici quelques unes (avec les réponses, ce qui est un vrai plus !) :
-Comment tu as fait pour être publiée ?
- J’ai envoyé mes textes par la poste, bêtement, sans recommandation, sans nom particulier de contact. Essayez, ça marche ! Soyez patients surtout : ma première histoire a mis un an avant de trouver preneur !
- Combien de temps se passe entre l’acceptation d’un texte et sa publication ?
- C’est long, mon cher petit (oui, j’aime bien appeler les gens « mon cher petit", ou tout autre surnom idiot). Il faut que l’éditeur trouve un illustrateur, que celui-ci ait le temps de s’y mettre.. En gros, il faut compter entre 4 mois et 18 mois. Il ne faut pas être pressé : parfois, quand je reçois le livre, je ne me souviens plus très bien de l’histoire !
- Comment travailles-tu avec les illustrateurs ?
- Eh bien, ma cocotte, je ne choisis pas les illustrateurs de mes livres ! Sauf exception, c’est l’éditeur qui décide. Et c’est très bien comme ça : l’illustrateur doit mettre l’histoire en valeur, y apporter son point de vue, ne pas être une simple redondance du texte… c’est un métier ! Et ce n’est pas parce qu’on adore un illustrateur qu’il sera le plus indiqué pour cette histoire-là ! Alors, concrètement, mon texte est chez l’éditeur, qui cherche dans son « vivier » qui va être mon co-parent pour ce bébé. Et puis, ensuite, c’est comme la tarte : t’attinds, t’attinds, t’attinds… Et un matin, hop ! Un paquet dans ma boîte aux lettres ! C’est la maquette !
Alors, bien sûr, il y a des allers-retours : un passage trop complexe à illustrer, un décor qui ne change pas assez… Hop ! On retravaille le texte, zou, on refait l’illu…
- Est-ce que ça t’arrive d’être déçue ?
- Pour sûr, mon poussin, parfois, c’est comme dans la vie, ce n’est pas toujours comme on avait rêvé…
- Comment as-tu tes idées ?
- Je crois que ce n’est pas moi qui ai les idées, petit scarabée, ce sont les idées qui me tombent dessus ! Ca ressemble à une pirouette, mais c’est assez vrai : je me contente de rester disponible à ce qui se passe, ce qui se dit. C’est noté dans un coin de ma tête, ou sur un des nombreux petits carnets que je trimballe et que je perds avec une belle régularité. Et puis, hop ! Ayé ! Je tiens une idée, elle me semble sympathique. C’est le moment de travailler. Là, je cogite, j’élabore, je me pose des questions : Qu’est-ce que je veux dire ? Quel est le problème du héros ? Va-t-il le résoudre ou pas ? Qu’aura-t-il appris ? Pourquoi le choix d’une héros humain, animal ? Qu’est-ce qui va traverser la tête de mon petit lecteur ?... Voilà, Je m’assois, j’écris. Ca peut durer deux heures ou 6 mois. Il peut y avoir une seule version ou dix, tout peut s’arrêter, tout peut bifurquer… Dans ces cas, l’éditeur est précieux, il relance, il explore, il interroge…
- Combien tu gagnes ?
- En règle générale, l’auteur touche entre 2 et 3,5% du prix du livre, avec, en général, pas toujours un à-valoir (env 800 euros pour un album). Je sais, c’est peu… c’est pô juste !
- Quel est le moment que tu préfères ?
- C'est exactement comme quand on va avoir un bébé : il y a plusieurs bons moments, ma chapougnette : il y a le moment où j'ai l'IDEE ! Ca c'est bon ! C'est le test de grossesse, tu vois ! Et puis, il y a la première écho : le premier dessin qui arrive sur mon ordinateur, pour m'allécher, pour bien me faire prendre conscience qu'il va vraiment exister, ce petit ! Et puis, l'instant où j'ouvre le paquet : je découvre la maquette ! Hooo ! Comme il est mignon ! Il ressemble bien à son tonton, à son pépère....
- Et qu'est-ce que tu n'aimes pas ?
- Ben.... Rien, mon lapin !
- Est-ce que tu as toujours écrit ?
- J’ai surtout toujours beaucoup lu ! Ecrire, c’est comme lire, ça me fait voyager, ça me fait rêver, ma bichounette !
D’autres questions ?
Une intervention en classe : immersion totale
Je suis sûre que tous les soirs, avant de vous endormir, vous vous demandez : « Mais comment donc que c’est-ti, quand un auteur vient dans une classe ? ». Si. Vous vous le demandez.
Eh bien, c’est tout simple.
Il faut CROIRE.
L’auteur doit croire que son intervention va aider les enfants à entrer avec naturel dans le Cercle Merveilleux Des Lecteurs, il doit croire que la rencontre d'un enfant avec un être de chair et de sang qui écrit va désacraliser le Livre et en faire un objet de proximité, une entité éminemment fréquentable parce que banale, sans danger. Il doit croire que l’envie, le plaisir, le désir de lire, d’entrer de plain- pied dans une histoire et de s’y pelotonner se communiquent.
Le maître doit CROIRE aussi. Qu’assurer un amont et un aval va graver dans les petites têtes tout un tas de compétences, d’envies, d’enthousiasmes, de fiertés, de créativités… Que l’échange va laisser une trace qui maintiendra pour longtemps l’enfant dans la complicité avec le langage écrit, avec le langage tout court, avec l’envie d’apprendre.
Les enfants doivent CROIRE aussi. Qu’on vient pour eux, pour les fêter et les honorer. Que l’attention est réciproque, que ça va être super chouette de rencontrer une vedette (oui, une vedette : Britney Spears et moi, on fait un peu le même métier). A la fin de la matinée, la vedette ne sera plus une vedette mais La-Kiki-qui-nous- a raconté-qu’elle-avait- peur- des -pigeons –alors- que- les pigeons- c’est –même- pas- méchant, la Kiki qui invente des histoires parce que c’est trop bien, les histoires.
On y croit, vous dis-je.
Alors, j’entre dans la classe. Ils sont installés, préparés par la maîtresse, un peu excités. Je demande : « Vous savez qui je suis ? » La réponse fuse : Christinenaummannvillemin. En un seul mot.
- Et vous savez pourquoi je suis là ?
Là, les réponses sont variées, selon la préparation du maître ou de la maîtresse, selon le projet qui a motivé ma visite.
- Pour nous lire des livres.
- Parce que tu écris des histoires.
- Parce que t’es la princesse coquette.
- Pour nous raconter comment tu fais des livres.
- Pour écrire une histoire avec nous.
Parfois, souvent, quelques phrases moins attendues, mais tout aussi pertinentes :
- Parce que tu sens bon.
- Ouf, ça va, t’es pas une géante.
- Parce que tu sais super bien écrire tous les mots.
- Parce que tu nous aimes bien.
- Parce que t’es la copine de la maîtresse.
- Parce que je t’ai vue à la cantine.
- Parce que c’est toi qui fais Dora l’exploratrice.
Je m‘installe, chacun à sa place, moi sur une petite chaise, eux assis sur le sol. Je raconte. Je lis un de mes textes, je raconte une anecdote, je montre des brouillons, des maquettes, je commence à inventer, à écrire. Ils embrayent. Ils posent des questions « Tu connais Bob l’éponge ? Il est gentil ? », « Pourquoi t’es rigolote ? », « Où il est, ton papa ? », « Tu me donnes ton bracelet ? », « Comment tu fais pour bien tracer les lettres comme ça, dans les livres ? »… Ca dépend.
A mesure que le récit avance, un mouvement s’amorce. Discret, au début. Une petite fesse qui se rapproche, une mimine qui tâte mon pull. Puis le phénomène se généralise : en quelques instants, je suis tripotée, tripatouillée, recoiffée, commentée (« Ho, la la, t’en as des poils dans ton nez ! », « T’es beeeeeelle », « Pourquoi c’est tout mou, là ? »). On me grimpe sur les genoux, on me caresse l’oreille, on écoute ma montre, on lisse mes joues. C’est un métier physique. Faut pas être effrayé par les fluides corporels, les odeurs, on va au contact, petit filet de morve, restant de chocolat du petit déj, miniprouts furtifs et légère odeur de caca sont notre lot quotidien, aux instits et moi…
Je leur dis mes vérités, mes petites histoires : le personnage de Nina existe, c’est la fille de mon amie, accro à sa tétine. Je l’imite, je chante (vous voyez que je suis Britney Spears !). Je raconte les dédicaces : celle-là, c’est pour Salomé. Salomé qui s’est plantée un matin devant moi et qui m’a dit « Kiki, je suis pas contente après toi ! Tu as écrit une histoire pour ma sœur et pas pour moi. Je lui ai répondu « Ho, ma petite Mémé, tu veux une histoire rien que pour toi ? » Alors, voilà, j’ai écrit « Salomé veut une histoire ». Je lui ai évidemment dédicacé le livre. J’ai mis son nom de famille parce qu’elle tenait vraiment à ce que sa maîtresse sache que le livre était pour elle… Je montre des curiosités « Regardez, là, page 2, c’est moi qui suis dessinée… Regard ahuri des petiots ! Oui, c’est elle, elle a le même collier !)
Ca coule tout seul. Il faut cependant gérer le temps : l’attention se relâche, la fatigue arrive, ils ont besoin de bouger. Concertation avec le prof ; on va changer d’activité.
Ils m’ont préparé une surprise : un petit jeu (je dois retrouver des images de mes histoires), écrit un livre « à la manière de », fait des dessins, appris une chanson, une poésie. C’est à leur tour de m’apporter quelque chose. A mon tour, d’écouter, de m’extasier, de remercier.
Et puis, je signe une affiche, je fais une dédicace à la classe, j’offre un livre, on échange nos mails, on fait des photos, comme une rencontre de vacances qu’on aimerait prolonger. On se promet de rester en contact. Il y en a un qui se lance : il vient me faire un bisou « Au revoir, Christinenaumannvillemin ». Et c’est le rush. 26 paires de bises. Je pars, lonesome cowboy, dans ma kikimobile, un peu en hyperventilation, vidée. C’était bien.
Eh bien, c’est tout simple.
Il faut CROIRE.
L’auteur doit croire que son intervention va aider les enfants à entrer avec naturel dans le Cercle Merveilleux Des Lecteurs, il doit croire que la rencontre d'un enfant avec un être de chair et de sang qui écrit va désacraliser le Livre et en faire un objet de proximité, une entité éminemment fréquentable parce que banale, sans danger. Il doit croire que l’envie, le plaisir, le désir de lire, d’entrer de plain- pied dans une histoire et de s’y pelotonner se communiquent.
Le maître doit CROIRE aussi. Qu’assurer un amont et un aval va graver dans les petites têtes tout un tas de compétences, d’envies, d’enthousiasmes, de fiertés, de créativités… Que l’échange va laisser une trace qui maintiendra pour longtemps l’enfant dans la complicité avec le langage écrit, avec le langage tout court, avec l’envie d’apprendre.
Les enfants doivent CROIRE aussi. Qu’on vient pour eux, pour les fêter et les honorer. Que l’attention est réciproque, que ça va être super chouette de rencontrer une vedette (oui, une vedette : Britney Spears et moi, on fait un peu le même métier). A la fin de la matinée, la vedette ne sera plus une vedette mais La-Kiki-qui-nous- a raconté-qu’elle-avait- peur- des -pigeons –alors- que- les pigeons- c’est –même- pas- méchant, la Kiki qui invente des histoires parce que c’est trop bien, les histoires.
On y croit, vous dis-je.
Alors, j’entre dans la classe. Ils sont installés, préparés par la maîtresse, un peu excités. Je demande : « Vous savez qui je suis ? » La réponse fuse : Christinenaummannvillemin. En un seul mot.
- Et vous savez pourquoi je suis là ?
Là, les réponses sont variées, selon la préparation du maître ou de la maîtresse, selon le projet qui a motivé ma visite.
- Pour nous lire des livres.
- Parce que tu écris des histoires.
- Parce que t’es la princesse coquette.
- Pour nous raconter comment tu fais des livres.
- Pour écrire une histoire avec nous.
Parfois, souvent, quelques phrases moins attendues, mais tout aussi pertinentes :
- Parce que tu sens bon.
- Ouf, ça va, t’es pas une géante.
- Parce que tu sais super bien écrire tous les mots.
- Parce que tu nous aimes bien.
- Parce que t’es la copine de la maîtresse.
- Parce que je t’ai vue à la cantine.
- Parce que c’est toi qui fais Dora l’exploratrice.
Je m‘installe, chacun à sa place, moi sur une petite chaise, eux assis sur le sol. Je raconte. Je lis un de mes textes, je raconte une anecdote, je montre des brouillons, des maquettes, je commence à inventer, à écrire. Ils embrayent. Ils posent des questions « Tu connais Bob l’éponge ? Il est gentil ? », « Pourquoi t’es rigolote ? », « Où il est, ton papa ? », « Tu me donnes ton bracelet ? », « Comment tu fais pour bien tracer les lettres comme ça, dans les livres ? »… Ca dépend.
A mesure que le récit avance, un mouvement s’amorce. Discret, au début. Une petite fesse qui se rapproche, une mimine qui tâte mon pull. Puis le phénomène se généralise : en quelques instants, je suis tripotée, tripatouillée, recoiffée, commentée (« Ho, la la, t’en as des poils dans ton nez ! », « T’es beeeeeelle », « Pourquoi c’est tout mou, là ? »). On me grimpe sur les genoux, on me caresse l’oreille, on écoute ma montre, on lisse mes joues. C’est un métier physique. Faut pas être effrayé par les fluides corporels, les odeurs, on va au contact, petit filet de morve, restant de chocolat du petit déj, miniprouts furtifs et légère odeur de caca sont notre lot quotidien, aux instits et moi…
Je leur dis mes vérités, mes petites histoires : le personnage de Nina existe, c’est la fille de mon amie, accro à sa tétine. Je l’imite, je chante (vous voyez que je suis Britney Spears !). Je raconte les dédicaces : celle-là, c’est pour Salomé. Salomé qui s’est plantée un matin devant moi et qui m’a dit « Kiki, je suis pas contente après toi ! Tu as écrit une histoire pour ma sœur et pas pour moi. Je lui ai répondu « Ho, ma petite Mémé, tu veux une histoire rien que pour toi ? » Alors, voilà, j’ai écrit « Salomé veut une histoire ». Je lui ai évidemment dédicacé le livre. J’ai mis son nom de famille parce qu’elle tenait vraiment à ce que sa maîtresse sache que le livre était pour elle… Je montre des curiosités « Regardez, là, page 2, c’est moi qui suis dessinée… Regard ahuri des petiots ! Oui, c’est elle, elle a le même collier !)
Ca coule tout seul. Il faut cependant gérer le temps : l’attention se relâche, la fatigue arrive, ils ont besoin de bouger. Concertation avec le prof ; on va changer d’activité.
Ils m’ont préparé une surprise : un petit jeu (je dois retrouver des images de mes histoires), écrit un livre « à la manière de », fait des dessins, appris une chanson, une poésie. C’est à leur tour de m’apporter quelque chose. A mon tour, d’écouter, de m’extasier, de remercier.
Et puis, je signe une affiche, je fais une dédicace à la classe, j’offre un livre, on échange nos mails, on fait des photos, comme une rencontre de vacances qu’on aimerait prolonger. On se promet de rester en contact. Il y en a un qui se lance : il vient me faire un bisou « Au revoir, Christinenaumannvillemin ». Et c’est le rush. 26 paires de bises. Je pars, lonesome cowboy, dans ma kikimobile, un peu en hyperventilation, vidée. C’était bien.
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