lundi 6 septembre 2010

Une intervention en classe : immersion totale

Je suis sûre que tous les soirs, avant de vous endormir, vous vous demandez : « Mais comment donc que c’est-ti, quand un auteur vient dans une classe ? ». Si. Vous vous le demandez.


Eh bien, c’est tout simple.

Il faut CROIRE.

L’auteur doit croire que son intervention va aider les enfants à entrer avec naturel dans le Cercle Merveilleux Des Lecteurs, il doit croire que la rencontre d'un enfant avec un être de chair et de sang qui écrit va désacraliser le Livre et en faire un objet de proximité, une entité éminemment fréquentable parce que banale, sans danger. Il doit croire que l’envie, le plaisir, le désir de lire, d’entrer de plain- pied dans une histoire et de s’y pelotonner se communiquent.

Le maître doit CROIRE aussi. Qu’assurer un amont et un aval va graver dans les petites têtes tout un tas de compétences, d’envies, d’enthousiasmes, de fiertés, de créativités… Que l’échange va laisser une trace qui maintiendra pour longtemps l’enfant dans la complicité avec le langage écrit, avec le langage tout court, avec l’envie d’apprendre.

Les enfants doivent CROIRE aussi. Qu’on vient pour eux, pour les fêter et les honorer. Que l’attention est réciproque, que ça va être super chouette de rencontrer une vedette (oui, une vedette : Britney Spears et moi, on fait un peu le même métier). A la fin de la matinée, la vedette ne sera plus une vedette mais La-Kiki-qui-nous- a raconté-qu’elle-avait- peur- des -pigeons –alors- que- les pigeons- c’est –même- pas- méchant, la Kiki qui invente des histoires parce que c’est trop bien, les histoires.

On y croit, vous dis-je.

Alors, j’entre dans la classe. Ils sont installés, préparés par la maîtresse, un peu excités. Je demande : « Vous savez qui je suis ? » La réponse fuse : Christinenaummannvillemin. En un seul mot.

- Et vous savez pourquoi je suis là ?

Là, les réponses sont variées, selon la préparation du maître ou de la maîtresse, selon le projet qui a motivé ma visite.

- Pour nous lire des livres.

- Parce que tu écris des histoires.

- Parce que t’es la princesse coquette.

- Pour nous raconter comment tu fais des livres.

- Pour écrire une histoire avec nous.

Parfois, souvent, quelques phrases moins attendues, mais tout aussi pertinentes :

- Parce que tu sens bon.

- Ouf, ça va, t’es pas une géante.

- Parce que tu sais super bien écrire tous les mots.

- Parce que tu nous aimes bien.

- Parce que t’es la copine de la maîtresse.

- Parce que je t’ai vue à la cantine.

- Parce que c’est toi qui fais Dora l’exploratrice.



Je m‘installe, chacun à sa place, moi sur une petite chaise, eux assis sur le sol. Je raconte. Je lis un de mes textes, je raconte une anecdote, je montre des brouillons, des maquettes, je commence à inventer, à écrire. Ils embrayent. Ils posent des questions « Tu connais Bob l’éponge ? Il est gentil ? », « Pourquoi t’es rigolote ? », « Où il est, ton papa ? », « Tu me donnes ton bracelet ? », « Comment tu fais pour bien tracer les lettres comme ça, dans les livres ? »… Ca dépend.



A mesure que le récit avance, un mouvement s’amorce. Discret, au début. Une petite fesse qui se rapproche, une mimine qui tâte mon pull. Puis le phénomène se généralise : en quelques instants, je suis tripotée, tripatouillée, recoiffée, commentée (« Ho, la la, t’en as des poils dans ton nez ! », « T’es beeeeeelle », « Pourquoi c’est tout mou, là ? »). On me grimpe sur les genoux, on me caresse l’oreille, on écoute ma montre, on lisse mes joues. C’est un métier physique. Faut pas être effrayé par les fluides corporels, les odeurs, on va au contact, petit filet de morve, restant de chocolat du petit déj, miniprouts furtifs et légère odeur de caca sont notre lot quotidien, aux instits et moi…

Je leur dis mes vérités, mes petites histoires : le personnage de Nina existe, c’est la fille de mon amie, accro à sa tétine. Je l’imite, je chante (vous voyez que je suis Britney Spears !). Je raconte les dédicaces : celle-là, c’est pour Salomé. Salomé qui s’est plantée un matin devant moi et qui m’a dit « Kiki, je suis pas contente après toi ! Tu as écrit une histoire pour ma sœur et pas pour moi. Je lui ai répondu « Ho, ma petite Mémé, tu veux une histoire rien que pour toi ? » Alors, voilà, j’ai écrit « Salomé veut une histoire ». Je lui ai évidemment dédicacé le livre. J’ai mis son nom de famille parce qu’elle tenait vraiment à ce que sa maîtresse sache que le livre était pour elle… Je montre des curiosités « Regardez, là, page 2, c’est moi qui suis dessinée… Regard ahuri des petiots ! Oui, c’est elle, elle a le même collier !)

Ca coule tout seul. Il faut cependant gérer le temps : l’attention se relâche, la fatigue arrive, ils ont besoin de bouger. Concertation avec le prof ; on va changer d’activité.

Ils m’ont préparé une surprise : un petit jeu (je dois retrouver des images de mes histoires), écrit un livre « à la manière de », fait des dessins, appris une chanson, une poésie. C’est à leur tour de m’apporter quelque chose. A mon tour, d’écouter, de m’extasier, de remercier.

Et puis, je signe une affiche, je fais une dédicace à la classe, j’offre un livre, on échange nos mails, on fait des photos, comme une rencontre de vacances qu’on aimerait prolonger. On se promet de rester en contact. Il y en a un qui se lance : il vient me faire un bisou « Au revoir, Christinenaumannvillemin ». Et c’est le rush. 26 paires de bises. Je pars, lonesome cowboy, dans ma kikimobile, un peu en hyperventilation, vidée. C’était bien.

3 commentaires:

  1. Bonjour, alors moi j'adorerais vous avoir dans ma classe... Je n'ai jamais eu d'auteur et j'ai toujours eu envie d'en faire venir! Mais comment s'y prend-on? Quel est le coût? Cette année j'ai 28 petits et nous sommes en province dans l'est du côté de Metz... Je ne sais pas si vous allez si loin!
    Petite anecdote: on a appris l'arrivée du 2ème à notre ainée grâce à l'un de vos livres!
    Bonne soirée, cordialement.
    Marielle Henry

    RépondreSupprimer
  2. C'est génial, cette annonce, avec votre fille !

    RépondreSupprimer
  3. Le grand Est : même pas peur !J'habite Nancy !Toutes les modalités sur le site de la Charte des auteurs...

    RépondreSupprimer

                                   Les titres auxquels vous avez échappé : - Une autrice en prison - la Christine embastillée (ne cherchez p...